La quête de l’ombre

Courir à l’aube, pédaler avant neuf heures, marcher en fin de journée ou ne pas marcher du tout. Voilà le nouveau programme de bien des vacanciers dans le sud de l’Europe. Cet été encore, la canicule n’est pas une surprise : elle est un point de départ. Et pour des millions de touristes en quête de grand air ou d’exercice physique, c’est un sérieux coup de frein.

À partir de 35 degrés, l’effort devient pénible. À 40, il devient risqué. Au-delà de 45, il devient absurde. C’est pourtant la température atteinte fin juin à Séville, tandis que les plages brûlaient sous 44 degrés à Athènes. Dans ces conditions, les randonnées se vident, les parcours de golf se désertent, les stages multisports sont désertés ou suspendus. À Rome, la fédération d’athlétisme a annulé plusieurs compétitions de jeunes. À Santorin, les croisiéristes n’ont plus envie de gravir les marches menant à Fira. Même les visites guidées à pied deviennent difficiles à “vendre”.

Le tourisme actif — celui qui fait bouger les corps autant que les imaginaires — encaisse de plein fouet la montée des températures. Et avec lui, c’est toute une économie qui tangue : clubs, guides, loueurs, offices de tourisme, stations balnéaires et même compagnies aériennes voient certains de leurs produits les plus valorisants devenir impraticables.

En face, les Alpes retrouvent de la fraîcheur, les lacs du Tyrol font recette, la Bretagne affiche complet. Les stations de moyenne montagne qui misaient sur la randonnée estivale se frottent les mains. Les destinations du nord de l’Europe deviennent sexy en été. Et même dans le sud, l’altitude, l’ombre et les sports nautiques redeviennent des valeurs refuges.

Mais cette recomposition géographique n’a rien d’anecdotique : elle signe un basculement stratégique. Peut-on continuer à promouvoir des destinations sportives sous 40 degrés à l’ombre ? Faut-il changer nos horaires, nos saisons, nos habitudes ? Il va le falloir : en France, l’été est dejà meurtrier : Ppus de 100 personnes sont déjà mortes par noyade en France entre début juin et début juillet, un bond de moitié par rapport à la même période en 2024.

Dans les années 2000, il fallait du soleil pour vendre. En 2025, il faut de l’ombre. Le sport, comme le tourisme, va devoir apprendre à vivre avec cette équation : moins il fera bon vivre quelque part, moins on aura envie d’y transpirer.

Laurent Guena

Rédacteur en chef adjoint.
Contact: laurent.guena@sport-et-tourisme.fr

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