Joseph Bizard (OC Sport) : « L’événementiel sportif est inutile, c’est pour ça qu’il est indispensable »
Entre visibilité territoriale, retombées économiques et enjeux environnementaux, l’événementiel sportif se réinvente. À la tête d’OC Sport, filiale du groupe Le Télégramme, Joseph Bizard défend un modèle profondément ancré dans les territoires, pensé comme un levier d’attractivité et d’émotions partagées. Une vision où le sport devient le point de départ d’une expérience globale.

« L’événementiel est inutile, et c’est pour ça qu’il est indispensable ». La formule peut surprendre, mais elle résume la philosophie de Joseph Bizard. Inutile au sens strict, explique-t-il, car une société pourrait fonctionner sans grands rassemblements. « On pourrait vivre de façon fonctionnelle sans jamais se réunir, sans jamais partager de bons moments. » Comme l’art, la culture ou les loisirs, l’événementiel dépasse la seule logique utilitaire. Il crée du lien, du sens et de l’émotion. C’est pour ça que « l’événementiel a de beaux jours devant lui », affirme le patron d’OC Sport.
Des événements pensés pour et par les territoires

« Nos événements sont pour et par les territoires ». Cette phrase, revendiquée par Joseph Bizard, résume l’ADN d’OC Sport. Chez l’organisateur, la logique est claire : concevoir des événements à partir de leur ancrage local avant de rayonner à l’échelle nationale.
Cette approche repose sur un principe de co-construction. Collectivités territoriales, associations, acteurs économiques, services de l’État, tous participent à l’élaboration des événements. « On ne peut pas organiser des événements de cette taille-là en étant déconnecté du territoire. On s’appuie sur le tissu local pour que ce soit un projet partagé, pas une entreprise qui agit seule dans son coin », souligne le dirigeant.
OC Sport : des événements emblématiques et des chiffres clés
Aujourd’hui, OC Sport organise une quinzaine d’événements par an, structurés autour de deux grands piliers. D’un côté, la voile océanique, avec six événements majeurs, dont la Route du Rhum, véritable vitrine internationale et locomotive médiatique du groupe. De l’autre, les événements d’endurance outdoor – marathons, trails, triathlons et épreuves cyclistes – représentent près de la moitié de l’activité d’OC Sport. Ces événements de masse rassemblent chaque année plus de 115 000 participants, faisant d’OC Sport l’un des trois principaux organisateurs français de courses d’endurance.
Via ses bureaux de Nantes, Brest et Lausanne, des événements comme le Marathon de Genève (25 000 coureurs), le Marathon de Nantes (près de 23 000 participants) ou le Marathon International de la Côte d’Amour au cœur de la Presqu’île Guérandaise (7 000 engagés) montrent l’ampleur de ces rendez-vous.
Un levier de visibilité et de retombées pour les territoires
Au-delà des chiffres, chaque événement est un levier de visibilité pour les territoires. « On n’a rien inventé de mieux pour montrer le meilleur visage des collectivités qui nous accueillent », explique Bizard.
Les manifestations génèrent des retombées économiques directes et indirectes, notamment par l’afflux de participants et la fréquentation touristique. Elles contribuent également à valoriser les savoir-faire locaux et à dynamiser le tissu associatif. C’est un moteur de tourisme sportif, qui attire des visiteurs venant non seulement pour participer mais aussi pour découvrir les territoires et leurs richesses. La Route du Rhum, dont le départ sera donné de Saint-Malo le 1er novembre prochain, est emblématique. « Sur la dernière édition, 1,2 million de personnes sont venues à Saint-Malo pour le départ, générant environ 35 millions d’euros de retombées économiques directes pour le territoire ».

L’impact est aussi indirect. « Un grand événement active tout un écosystème local : associations, savoir-faire, tissu économique. Il y a presque un rôle social dans ce que l’on fait », ajoute le patron d’OC Sport.
Hybridation entre expérience physique et digitale
Dans un monde de plus en plus digitalisé, Joseph Bizard constate que le besoin de rassemblement physique reste intact, et même se renforce. « On va utiliser de plus en plus ces temps de rassemblement pour vivre bien plus que du sport », explique-t-il.
Un exemple concret est la Run Mate, course en équipe autour du lac Léman (215 kilomètres et 2 500 mètres de dénivelé positif). « Sur cet événement, le sport est presque plus un alibi. Les participants viennent certes courir, mais surtout vivre un temps partagé et une expérience ensemble. Les à-côtés comptent presque autant que la partie sportive elle-même », souligne Joseph Bizard. Cette course illustre parfaitement la philosophie d’OC Sport, l’expérience et le partage priment sur la seule performance.

Les courses au large sont également équipées d’applications qui permettent aux participants et aux visiteurs d’optimiser leur parcours et de profiter pleinement des animations proposées. Ces outils offrent dans le même temps de nouvelles possibilités de narration sportive. « Le suivi d’une course à pied est peu visible sur les réseaux sociaux. Grâce au digital, nous pouvons suivre les coureurs, raconter leurs performances, expliquer leurs entraînements ou pourquoi l’un accélère tandis qu’un autre ralentit. On ajoute ainsi de la science et du contexte à la performance sportive », précise Joseph Bizard, conscient que « la digitalisation ouvre énormément de perspectives et suscite beaucoup d’enthousiasme ».
Plus largement, applications et dispositifs numériques transforment le Village événementiel en une véritable destination : informations sur les athlètes, programmes d’animations, outils d’orientation ou contenus enrichis. Cette hybridation renforce l’émotion et l’expérience des participants, tout en facilitant la gestion des flux et l’acceptabilité des événements.

Responsabilité et durabilité : organiser avec sens
Cette montée en puissance de l’expérience s’accompagne d’une attention accrue des enjeux environnementaux. Pour Joseph Bizard, la question n’est plus périphérique, elle est devenue structurante. « Les visiteurs sont de plus en plus sensibles à la manière dont les événements sont organisés. Ils attendent des organisateurs qu’ils soient responsables et qu’ils ne fassent pas n’importe quoi ».
Le développement durable n’est pas un moteur direct de fréquentation, mais un prérequis. « Je ne crois pas que les gens choisissent un événement parce qu’il est plus ou moins responsable. En revanche, certains choisiront de ne pas venir si ces sujets ne sont pas pris en compte », ajoute-t-il.
Sur des sites naturels sensibles, l’équation est complexe. Toute la difficulté est de concilier des événements de grande ampleur avec la préservation de sites magnifiques. OC Sport travaille depuis dix ans sur ces enjeux et favorise le tourisme sportif responsable. « Dans beaucoup de cas, nous arrivons avec des solutions plus exigeantes que ce qui est demandé, et qui peuvent ensuite bénéficier à d’autres événements ». La responsabilité environnementale n’est pas un argument marketing, mais une condition de légitimité. « Organiser un événement qui ignorerait ces préoccupations serait aujourd’hui très mal perçu », indique le dirigeant.
« Le sport a son rythme, la nature aussi »

Pour Joseph Bizard, l’avenir de l’événementiel sportif repose sur un modèle régional, enraciné dans son territoire, accessible et pensé pour des publics de proximité. Durable par construction, enrichi par le digital, il permet de créer des expériences immersives et partagées, tout en maîtrisant l’affluence et les impacts environnementaux. Cette approche concilie performance et respect des territoires, émotions et responsabilité, pour des événements qui font sens à la fois pour les participants et pour les collectivités. « Le sport a son rythme, la nature aussi », résume parfaitement l’esprit d’OC Sport et guide chacun de ses événements.
