L’UTMB, entre mythe et business

Chaque fin d’été, Chamonix devient le centre du monde du trail. L’Ultra-Trail du Mont-Blanc (UTMB) attire des milliers de coureurs et des dizaines de milliers de spectateurs, fascinés par ce défi hors norme : 174 kilomètres, près de 10 000 mètres de dénivelé, trois pays traversés. Une aventure extrême, commencée en 2003 dans une ambiance quasi familiale, devenue en vingt ans un mastodonte du sport et du tourisme.

Derrière l’épopée sportive, il y a désormais une entreprise : 25 millions d’euros de chiffre d’affaires, un circuit mondial de 50 courses estampillées « by UTMB », une alliance avec Ironman. À Chamonix, huit épreuves en une semaine, des dossards à 439 euros, des inscriptions qui se jouent à la loterie. L’UTMB est devenu une marque.

Et avec le succès, les critiques. Celle des pionniers qui regrettent « l’esprit des débuts ». Celle des coureurs recalés par le système des Running Stones. Celle des défenseurs d’un trail plus local, plus discret, qui opposent au mastodonte chamoniard leurs « World Trail Majors ». Celle, enfin, des riverains. Le coup de gueule d’un berger haut-savoyard, évoquant une nuit de tapage dans les alpages, des passages en force et même la mort d’une brebis, a fait grand bruit. L’organisation se défend, assure avoir dialogué, propose une indemnisation. Mais l’épisode illustre la fragilité d’un équilibre : comment faire cohabiter un mythe sportif, un business mondial et des vies locales ?

Faut-il, pour autant, condamner l’UTMB ? Ce serait oublier ce qu’il apporte. À la discipline, qu’il a fait connaître bien au-delà des initiés. Aux vallées alpines, dont l’économie vit aussi de ces événements médiatisés. Aux bénévoles, qui trouvent là une structure pérenne pour continuer à organiser. Refuser l’UTMB, c’est ignorer que le sport, à cette échelle, ne peut se maintenir sans un modèle économique.

Le trail ne s’est pas perdu, il s’est ouvert. Ceux qui cherchent l’authenticité la trouveront toujours dans des courses locales, plus sobres, plus intimes. Mais l’UTMB garde une magie unique : voir des femmes et des hommes s’élancer de Chamonix, passer une nuit et un jour à défier la montagne, revenir brisés et exaltés. Le business encadre, finance, structure. Mais la force de l’événement, elle, demeure dans ces instants de vérité où il ne reste que les jambes, le souffle et le cœur.

Laurent Guena

Rédacteur en chef adjoint.
Contact: laurent.guena@sport-et-tourisme.fr

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