Mondial sous surveillance
L’an prochain, les États-Unis accueillent la planète football à l’occasion de la Coupe du monde. Mais derrière la vitrine d’un événement international et festif, un paradoxe profondément américain se dessine. Celui d’un pays qui s’ouvre au monde tout en le scrutant avec méfiance.
Comme à chaque édition, les organisateurs promettent un Mondial d’exception. Le Mexique (13 matches dans 3 stades), le Canada (13 matches dans 2 stades) et surtout les États-Unis (78 matches dans 11 stades) s’apprêtent à recevoir une vague inédite de touristes et de passionnés de football. Une célébration planétaire, portée par des enjeux sportifs, économiques et symboliques considérables.
Une fête, donc. Mais sous cette promesse d’ouverture se profile un net durcissement sécuritaire. Une proposition publiée la semaine dernière dans le Journal officiel américain prévoit d’obliger les visiteurs étrangers exemptés de visa à fournir l’historique de leurs activités sur les réseaux sociaux sur les cinq dernières années. La mesure concernerait les ressortissants de 42 pays, dont la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne. Autant de grandes nations de football. À condition, toutefois, de pouvoir y accéder. La flambée des prix des billets, parfois prohibitifs (200 euros pour le billet le moins cher pour France-Sénégal, le premier match des Bleus), réserve déjà la fête à un public trié sur le volet, loin de l’idéal populaire que revendique le football.
Désormais, les touristes ne sont plus seulement des visiteurs, mais des profils à analyser. Comment un pays qui s’apprête à accueillir des millions d’étrangers peut-il, dans le même mouvement, donner le sentiment de vouloir les contrôler jusque dans leur vie numérique ? Le contraste est saisissant. Pendant que les autorités vantent l’hospitalité américaine et les retombées économiques du Mondial, l’État fédéral affine ses outils de surveillance.
Le sport, par essence, unit et franchit les frontières. Les politiques migratoires, elles, les redessinent et les durcissent. Entre stades flambant neufs et procédures de sécurité renforcées, le Mondial 2026 pourrait devenir le miroir d’un monde obsédé par la donnée, où même la passion du football n’échappe plus à la logique du soupçon. Terrible.
Au fond, cette Coupe du monde pourrait bien incarner les contradictions de notre époque. Un monde qui rêve de communion planétaire, mais s’enferme derrière ses algorithmes et ses peurs. Entre ballon rond et globe sous surveillance, l’Amérique nous invite à un étrange match, celui de l’ouverture contre le contrôle. Bizarre paradoxe.
