Trois Bretons dans le vent et dans la vague
Ils s’appellent Ewen, Ronan et Aurélien. Depuis plus de quinze ans, ces trois amis parcourent le monde à la recherche des vagues les plus secrètes et spectaculaires. Sous le nom de « Lost in the Swell », le trio breton s’est fait connaître sur YouTube pour ses aventures uniques et sa manière singulière de vivre le surf. Leur nouveau film, « Slows, les lents de la mer », sort le 21 novembre prochain.

« Ewen et Ronan, c’est des potes d’enfance », raconte Aurélien Jacob. « Ils ont fait toute leur scolarité ensemble à Brest, prenaient des cours de voile, de navigation… Moi, je les ai rencontrés un peu plus tard, vers la vingtaine ».
Tous trois sont profondément attachés à cette Bretagne qu’ils portent haut sur leurs planches. Aujourd’hui, Ewen et Ronan vivent à Crozon et Audierne, tandis qu’Aurélien s’est installé dans les Landes. « J’ai fui un peu le mauvais temps breton », sourit-il.
À l’origine du concept « Lost in the swell » (« Perdus dans la houle), une passion commune pour la glisse et l’exploration. « Depuis qu’on est tout jeunes, on lit des histoires de surfeurs explorateurs. En Bretagne, on a des kilomètres de côtes, et le surfeur adore découvrir le spot d’à côté, puis celui d’après », explique Aurélien.
Cette quête ne se limite pas à la performance sportive. Pour les trois joyeux compères, elle s’accompagne d’une réflexion plus profonde sur la relation à l’océan. « Le surfeur, il est dans l’eau, pas sur l’eau. On s’est rendu compte en voyageant que la qualité de l’eau, c’est essentiel. En Bretagne, elle est exceptionnelle. Ailleurs, on voyait des surfeurs tomber malades, avec des otites, des infections… Alors on a compris que la santé de l’océan, c’est aussi la nôtre », confie-t-il.
Le surf autrement
Cette prise de conscience a façonné leur démarche. Avec « Lost in the Swell », l’écologie n’est pas un slogan mais un mode de vie. « On essaye de remplacer le plus possible la pétrochimie : des planches en matériaux plus nobles, des bateaux éco-conçus… Et on se déplace à la voile. On a arrêté de prendre l’avion pour nos projets », résume Aurélien.
Un engagement que leurs partenaires, notamment Oxbow, saluent. « On est ambassadeurs chez eux, et grâce à ce partenariat, on peut vivre de nos films et continuer à créer », se réjouit-il.
35 jours sur l’Atlantique

Leur nouveau film raconte une traversée de l’Atlantique Nord sur un petit bateau de 9 mètres. Pour cela, ils ont bénéficié des conseils de la navigatrice Samantha Davies. « Elle nous a appris énormément. On a passé 48 heures avec elle, elle nous a raconté plein d’anecdotes, et surtout, elle nous a aidés à comprendre comment le bateau réagit selon le vent et la houle », se souvient Aurélien Jacob.
Partis de La Trinité-sur-Mer, ils ont affronté les dernières tempêtes de l’hiver. « On est restés 35 jours en mer, dans le froid et la fatigue. Mais on se connaît par cœur maintenant. Chacun sait gérer les moments de faiblesse de l’autre. Et au bout de tout ça, on a trouvé des vagues parfaites, complètement désertes », raconte-t-il.
Un film pour inspirer les nouvelles générations
De cette traversée rocambolesque est donc né un film. Projeté en avant-première dans une vingtaine de villes françaises, il attire un public nombreux et fidèle. Le 20 novembre, le trio présentera sa dernière réalisation au Grand Rex, à Paris. « C’est fou, on ouvre souvent la plus grande salle de France, et on doit rajouter une deuxième séance. En moyenne, on fait 500 à 600 personnes par soir. Ce qui est génial, c’est qu’on a un public multigénérationnel, des enfants aux parents », se réjouit le surfeur breton.
L’aventure et la lenteur

Au-delà du surf, le public vient surtout chercher une philosophie de vie. « Le surf est victime de son succès. Beaucoup prennent l’avion pour aller se “gaver” de vagues sans vraiment vivre le voyage. Nous, on essaie de rappeler que l’aventure, ce n’est pas que la destination. C’est aussi tout ce qu’il y a entre le départ et l’arrivée », souligne Aurélien.
« Notre philosophie, c’est d’aller plus lentement, à la vitesse de la vraie vie. On montre qu’on peut surfer autrement, sans chercher la performance, sans la compète. Ce qui compte, c’est le voyage, les rencontres, les galères aussi », ajoute-t-il.
Le message passe, notamment auprès des jeunes. « On nous écrit régulièrement. Notre conseil, c’est de ne pas vouloir partir tout de suite au bout du monde. Commencez par une petite aventure, testez le matériel, apprenez à gérer le confort, la fatigue… Le confort, c’est ce qui te permet de bien dormir, et donc d’être en forme pour la journée », rappelle le surfeur.
Des expéditions incroyables
Quand on lui demande quel spot l’a le plus marqué, Aurélien hésite un instant. « Chaque voyage a été unique. Au Gabon, on s’est fait charger par des éléphants et des hippopotames ; en Patagonie, on surfait au pied d’un glacier dans une eau à zéro degré. Mais la vague qu’on a découverte là-bas, c’était une machine parfaite. Une vague « world class », comme on dit ». Une aventure qu’ils partagent volontiers… jusqu’à un certain point. « On a même donné les coordonnées GPS, ce qui ne se fait jamais dans le surf ! », plaisante-t-il.
Les projets ne manquent pas. « On a déjà quatre films prévus, jusqu’en 2028. Dès la fin de la tournée, on repart en mer, pour un nouveau projet voile un peu fou. Toujours la même idée, aller dans des contrées isolées, surfer seul, redécouvrir le vrai sens de l’aventure ».
Et de conclure : « Ce qui nous anime, c’est cette sensation de liberté absolue. Être là où personne n’est encore allé, en phase avec la mer et avec soi-même. C’est ça, notre vague parfaite ».

