Boston et la Révolution américaine : à chacun sa course !
Le 4 juillet 2026, les Etats-Unis fêteront le quart de millénaire de leur naissance. C’était en 1776, à Philadelphie, mais c’est à Boston que tout a commencé, avec les premières révoltes face aux abus du roi de Londres. Une série de martyres et de coups d’éclats, célébrés chaque 18 avril par le fameux Patriot’s Day, le plus vieux marathon du monde, mais aussi des courses pour tous les goûts et tous les niveaux, dont Boston s’est fait une spécialité depuis la chevauchée d’un certain Paul Revere.

Qui n’a un jour rêvé du Marathon de Boston ? En 1897, John Graham, entraîneur de la Boston Athletic Association, songe à cette reconstitution de la course entre le champ de bataille de Marathon et Athènes. Il y a assisté l’année précédente, aux Jeux olympiques, et il organise la même chose à Boston. Le plus vieux marathon du monde est né. « Ici, explique Rémi N., venu de Saint-Etienne pour courir l’édition 2025, le mur des 30 kilomètres coïncide avec la montée d’une colline ! Eprouvant ! L’an prochain, j’irai à Tokyo, le marathon le plus cher, mais le plus dur reste Boston ».
Un coureur nommé Paul Revere

Encore cette année, l’épreuve a poussé vers la ligne de départ 32 080 coureurs, venus de 129 pays. La plupart ignoraient qu’ils commémoraient un fait historique, car les Bostoniens ont leur Philippidès – le messager qui courut les fameux 40 kilomètres, avant de s’effondrer en annonçant la victoire : il donnait, sans le savoir, le coup d’envoi de ces 42 kilomètres que plus de 3 000 villes du monde entier déclinent chaque année.
Le Philippidès de Boston, c’est Paul Revere. Un notable, orfèvre réputé, bourgeois politisé, franc-maçon influent, journaliste suivi, qui a pris position contre les abus des gouverneurs envoyés par l’Angleterre. Ainsi le 5 mars 1770, quand la garnison de Boston, perdant les pédales face à des colons furieux contre les aberrations fiscales, ouvre le feu. Revere publie le croquis quasi judiciaire de cette bavure qui n’a fait que cinq victimes : monté en épingle, le « massacre de Boston » scandalise tout le Massachusetts.

Sans trop rentrer dans les détails, ce qui opposait les colons de Boston au gouvernement de Londres, c’était de multiplier les taxations sans avoir ne serait-ce qu’un député à Westminster. En mai 1775, inquiet devant leurs récriminations de plus en plus violentes, le roi George III envoie l’armée confisquer leurs armes, qu’ils entreposent à Concord, en banlieue de Boston. Revere a vent de l’opération. Il veut prévenir le plus possible de monde, afin de retarder la marche des tuniques rouges sur Concord – le temps de mettre l’arsenal au vert.
Marathon ou VTT ?

C’est donc la course de Revere que célèbre le Marathon de Boston, même si le patriote en a fait une partie en barque, et surtout à cheval. C’est un symbole américain, qu’on commémore toujours autour de la date anniversaire ; et depuis mai 2025, la « Paul Revere’s Bike Ride » complète le Marathon en s’adressant à vélos et VTT. Ses 35 km (plus une version longue de 52 km) reprennent peu ou prou la course du héros, du port de Boston jusqu’à Concord, à travers rues, routes et chemins – entretemps chamboulés par l’expansion urbaine et ses highways qui font que les tavernes, alors en rase campagne, sont à présent au coeur de Boston.
Sur le passage de Revere, les minute men – la milice des colons capables de s’équiper en quelques secondes – se mettent en alerte, relayés par le tocsin et le roulement des tambours. Dans le village de Lexington, les colons prennent gourde, couverture et fusil, et forment un barrage sur le green (la place centrale). Lestroupes du roi viendront-elles ? Elles se présentent à l’aube, hurlant aux rebelles de déposer les armes. Ils hésitent, mais un coup de feu part. De quel côté ? La question n’est pas tranchée. Est-ce un Anglais aigri et trempé après la marche nocturne à travers les marais ? Un cynique qui rêve d’une action militaire, gage d’avancement ? Plus probablement un jeune colon jusqu’au-boutiste, embusqué à l’extérieur du green. Riposte ou enchaînement, les « Red Coats » tirent sur les civils. En quelques secondes, Lexington perd sous les balles un dixième de sa population.

Les Brits n’en restent pas là. Ils poursuivent vers Concord, où ils brûlent quelques kilos de poudre que les habitants n’ont pas eu le temps de planquer. Cela fait tant de fumée que les hameaux voisins croient qu’on incendie Concord et volent à son secours, pour se retrouver bloqués sur le pont de bois de North Bridge – toujours en service, grâce à d’innombrables restaurations. Les Anglais tirent à nouveau. Six minute men tombent. Mais leur capitaine leur crie : « Ne vous occupez pas des morts, ripostez : cette salve sera entendue dans le monde entier ». Les pertes chez les soldats professionnels sont terribles. Tout expérimentés qu’ils sont, ils se débandent. La guerre d’Indépendance vient de commencer.

Une activité sportive à sa manière

Chaque année, plusieurs centaines de reenactors rejouent ces hauts faits. Un hobby assez physique : « En tant que notable de Lexington, mon rôle est de mourir dès la première fusillade », grimace un habitant en costume bourgeois du XVIIIe. « Je vais donc rester immobile dans l’herbe humide jusqu’à la fin de la commémoration ». Le plus éprouvant reste de tenir, sous les huées un peu chauvines, le rôle des méchants – les fusiliers et grenadiers de Sa Majesté. Débarqués en school bus jaune postal, ils ont dû régler leur réveil pour deux ou trois heures du mat, afin d’être en place dès l’aurore – car on tient à commencer à l’heure historique ! Après s’être échauffés avec une bonne séance « d’ordre serré », maniant l’arme aux mêmes commandements qu’à l’époque des faits, ou en musique comme au bon vieux temps, ils devront marcher au pas cadencé, mettre en rythme baïonnette au canon, le garnir et tasser la poudre, tirer à blanc, puis charger les rebelles à toutes jambes, avec leur fusil Brown Bess de 5 kg 300 en plus des 20 de l’équipement.

Côté colons, chaque bourgade du nord-ouest de Boston a conservé sa compagnie de minute men, citoyens nostalgiques du passé. Ils s’entraînent tous les week-ends, briquant, cirant et renouvelant leur fourniment, conforme aux découvertes les plus récentes des historiens, qu’ils suivent avec passion. « Pour la reconstitution, j’ai acheté une réplique de fusil qui tire à blanc », admet un minute man d’aujourd’hui, « cependant, le week-end, je fais du tir avec de vraies munitions et mon arme d’époque, que je risquerais d’abîmer dans la mêlée ». Cet autre a fendu son tricorne pour y glisser sa pipe en terre, comme on faisait dans le temps.
Partant de Bedford, Lincoln, Stow… villages devenus villes moyennes, nos minute men réalisent chaque 19 mai leurs marches commémoratives, 15 kilomètres ou plus, et au son des fifres et tambour et en habit d’autrefois, collant aux itinéraires empruntés en 1775 par leurs ancêtres pour venir en aide à ceux de Concord. Ils termineront avec une parade commune depuis North Bridge jusqu’au coeur de la ville.
Marcher sur le Freedom Trail

À Boston et dans sa banlieue, être reconstituant est une activité très populaire, au point que l’équipe de baseball des Red Sox décale les horaires du traditionnel match de Patriot’s Day. S’y adonnent indifféremment hommes et femmes – qui endossent, sans complexe, l’uniforme viril des grenadiers. Souvent, les participants possèdent plusieurs costumes, redonnant leur couleur locale aux rues pavées ou aux monuments de Boston. Ces deux-là sont en redingote dans la nef d’Old South Meeting Hall, un des repaires des conspirateurs contre Londres. L’un d’eux montre sur son portable une photo de lui en uniforme de sergent britannique, et même une tenue du Directoire français, lors d’une reconstitution à Philadelphie. D’autres prennent parfois l’avion en uniforme nordiste pour rejouer quelque bataille de la guerre de Sécession.
Old South Meeting Hall est une des 16 étapes sur les 4 kilomètres du Freedom Trail : cimetière de Granary ou repose Paul Revere, sa maison près du port, Old State House devant lequel eut lieu le massacre de Boston, goélette de la Tea Party depuis laquelle les colons jetèrent à la mer 50 tonnes de thé trop taxé ; et même le plus vieux bateau de guerre (1794) encore en service dans le monde, l’USS Constitution. Le Freedom Trail est une modeste alternative au Marathon lorsqu’on visite Boston, pour une découverte touchante des premiers pas vers la naissance des Etats-Unis.
Par Dominique de La Tour
Journaliste

Pratique
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Le prochain Marathon de Boston aura lieu le 20 avril 2026. Inscription (dès septembre).
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