Centenaire des 24 Heures du Mans : « Le plus grand spectacle qu’on ait jamais vu »
C’est la course qu’il ne fallait pas manquer. Celle où tout le monde voulait être. Tout était complet déjà depuis décembre dernier. Plus une seule place de libre. Au total 325 000 spectateurs, un chiffre communiqué par l’organisateur Automobile Club de l’Ouest (ACO) ont pris part à cette 91ème édition, celle du Centenaire de l’épreuve. Toute la cité du Mans s’est mise au diapason de cette course mythique.
C’est beau une ville entière qui communie autour d’un même évènement. Pour en prendre la pleine mesure, il suffit de se balader en centre-ville. De constater, qu’à l’occasion du Centenaire de la course, des photos grand format sont exposées un peu partout. Sur le parvis de la gare. Sur les grilles de l’Hôtel du Département. Sur les quais ou encore sur les murs d’enceinte de la cathédrale Saint-Julien. Les commerçants ne sont pas en reste. On ne compte plus les restaurants qui proposent des menus « spécial 24 Heures », et des bars qui aguichent le passant passionné d’automobile avec des cocktails célébrant le centenaire.
La ville du Mans appelle à « Vivre ensemble le Centenaire »
Dans la ville, tout nous rappelle cet évènement. Des panneaux publicitaires nous exhortent même à « Vivre ensemble le Centenaire ». Conductrice tramway et bus à la Setram (nom du réseau de transports en commun du Mans), Malika, arborant sur sa veste d’uniforme un badge aux couleurs du Centenaire, regrette de ne pouvoir assister à la course. « Plus de 500 conducteurs ont été mobilisés pour acheminer les spectateurs sur le circuit » déclare-t-elle. Parce qu’en l’espace d’une semaine « la population du Mans, 150 000 habitants, est multipliée par deux et même plus ». Des rames de tramway sont floquées aux couleurs de la course mythique. Tout comme les tickets. Un bonus pour les collectionneurs. Mais pour les spectateurs les pièces les plus recherchées étaient la casquette officielle, le gobelet ainsi que le porte-clé. Introuvables en certains endroits. Certains avaient même tout prévu puisque illico presto ils remettent en vente leur acquisition sur des sites comme Leboncoin. Attitude peu louable mais business is business.
Samedi 10 juin, il fait très chaud au moment du départ. Un départ donné à 16h00 par le basketteur Lebron James, la mégastar des Los Angeles Lakers. Le vrombissement des moteurs fait rugir la foule de plaisir. Surtout que cette année 16 voitures (contre 5 l’an dernier) sont engagées en hypercar, la catégorie reine. « C’est l’année du Centenaire, il ne faut pas la manquer » proclame cette mère de famille venue de La Saussaye dans l’Eure en compagnie de son mari, leurs enfants ainsi que ses frères et sœurs. Avec sa collègue Coralie, Océane, représentante pour la marque d’outillage Facom, est arrivée dans la Sarthe en Lotus Exige depuis Dôle dans le Jura. « C’est la première fois. J’aime voir les risques que prennent les pilotes, les challenges qu’ils se mettent entre eux » confie la jeune femme fan de Ferrari. Le tandem a déjà prévu de revenir à l’occasion du Mans Classic, du 29 juin au 2 juillet. Malika, la conductrice de métro aussi. Elle a déjà pris ses disponibilités pour voir des bolides plus anciens rouler sur le circuit Bugatti.
Des voitures qui « arrachent le bitume »
Sur la piste la bataille fait rage entre les principaux constructeurs. Les Toyota, vainqueurs ces cinq dernières années, sont challengées par les Ferrari, Porsche ou Peugeot. Massés en tribunes dans la ligne droite des stands, à proximité de la chicane Dunlop, ou au niveau des virages du Tertre Rouge, d’Indianapolis ou d’Arnage, les spectateurs n’en perdent pas une miette. « Comment elles arrachent le bitume » affirme un fan enthousiaste à son pote. « La Toy, elle est en full attack » proclame un autre. Beaucoup sont fascinés par le son si particulier émanant de la Nascar ou des Cadillac. Eh oui « le bruit, c’est mythique » comme nous l’avions titré dans un reportage l’an dernier.
« On s’endort à l’usure »
Sur le Village, la fête bat son plein. De jour comme de nuit. On y mange et on y boit à toute heure. Le Mans, c’est festif. Appareil photo en main, les visiteurs mitraillent les modèles exposés. Les boutiques officielles ne désemplissent pas. Tout le monde veut son souvenir du Centenaire. Samedi soir, pendant que les voiturent tournent, le chanteur Mika est à l’affiche. Les 24 Heures, c’est une frénésie permanente. Un tourbillon de sons, d’odeurs et de couleurs qui vous enivre sans jamais vouloir s’arrêter. Romain, un caennais, qui a assisté aux 24 Heures pour la dernière fois il y a vingt ans est revenu cette année, cette fois avec son fils Gabin, 10 ans, admiratif d’Alpine et de Ferrari. Grâce à la complicité d’un ami commissaire de piste, il loge dans un camping, « à seulement 20 mètres de la piste dans le virage du Tertre Rouge ». « C’est le meilleur moyen de vivre la course. On s’endort à l’usure » assure le père de famille qui n’hésite pas non plus à bouger pour profiter à fond de l’évènement. « Le samedi, avec Gabin on a marché 15 kilomètres » affirme-t-il fièrement.
Au p’tit matin, il y a toujours autant de monde. « C’est ce que j’aime » indique Jean-Jacques, un quinquagénaire venu lui de Toulouse en compagnie d’un ami. Une grande première. « C’est incroyable, je suis parti à minuit et quand je reviens à 7h00 le lendemain il y a toujours la même foule de passionnés. Les gens sont restés là toute la nuit » précise-t-il un brin admiratif. Pétri d’esprit américain et féru de courses de Nascar, « la Formule 1 des Etats-Unis », il adore « l’ambiance, le côté festif et convivial du Mans ». C’est sûr il reviendra. Comme sont sans doute revenus Jacques et Liliane qui vouent une véritable passion pour la plus grande course d’endurance du monde (voir ici) avec à leur deux près de 90 présences sur le circuit de la Sarthe.
Le ballet incessant des hélicoptères et des jets privés
Déambulant parmi la foule, un jeune homme avec un carton bien plus haut que lui peine à se frayer un chemin. Il vient de s’acheter une réplique de la fameuse passerelle Dunlop bien connue des amateurs de sport automobile. Tout content de son acquisition, il sait pourtant qu’il va en baver avant de pouvoir rentrer chez lui. Avec cette chaleur écrasante, seul un orage localisé durant le week-end viendra rafraichir les spectateurs. Et surtout contrarier les plans de certains pilotes et écuries.
Dans le ciel, le ballet des hélicoptères et des jets privés est incessant. Le tarmac est à même pas quatre minutes du circuit. Les VIP sont sûrs d’être à l’heure. Katy et Thierry sont venus de très loin. De Minneapolis dans le Minnesota. « Autour du Centenaire des 24 Heures, nous avons planifié un grand voyage de trois semaines en France. Au programme Etretat, Sainte-Mère-Eglise et les plages du Débarquement, Chinon, la Loire et ses châteaux, et Paris pour terminer » explique ravie cette entrepreneuse spécialisée dans la distribution d’électricité. « C’est surtout mon mari qui est passionné d’automobile. Il possède une Spider, une Maserati et une Ferrari » s’empresse-t-elle d’ajouter. Alors venir au Mans, pour lui « c’est un peu le Graal. D’ailleurs c’est le plus grand spectacle qu’on ait jamais vu » déclare Katy.
« J’ai ramassé des morceaux de carbone un peu partout »
Plus les heures passent et plus la lutte est âpre entre Toyota et Ferrari. Il ne pouvait en être autrement. Cette course du Centenaire se devait d’offrir un scénario à suspense. Sous un soleil de plomb, Pedro, un jeune commissaire de piste originaire d’Estoril au Portugal, suit tout ça avec attention. Durant sa pause, il scrute un écran géant. Sa fiancée est là. Son père aussi. Joao a d’ailleurs été lui-même commissaire. Sur des Grands Prix de Formule 1 notamment. Il connait les ficelles du métier et peut ainsi coacher son fils. Basé sur les postes 12 et 13B, Pedro est intervenu dès le premier tour lors de la sortie de piste de la Cadillac N°311. « C’était juste avant l’entrée dans la ligne droite des Hunaudières, la course a été neutralisée et j’ai ramassé des morceaux de carbone un peu partout » confesse celui qui trouve « les gens particulièrement bienveillants et accueillants ici ».
À moins de deux heures de l’arrivée, alors que l’écart n’était que d’une dizaine de secondes entre la Ferrari N°51 et la Toyota N°8, le pilote japonais Ryo Hirakawa perd le contrôle de sa voiture à Arnage. Il n’y aura pas de sixième victoire consécutive pour Toyota. Cinquante ans après sa dernière participation au Mans, Ferrari va triompher. Historique. Le public peut exulter. Et déjà cocher dans son agenda la 92ème édition qui se déroulera les 15 et 16 juin 2024. Rendez-vous est pris.
Les résultats
Catégorie Hypercar
1/ Ferrari AF Corse (James Calado (GB) – Alessandro Pier Guidi (I) – Antonio Giovinazzi (I)) : 342 tours.
2/ Toyota Gazoo Racing (Sebastien Buemi (CH) – Brendon Hartley (NZ) – Ryo Hirakawa (J)) : 342 tours.
3/ Cadillac Racing (Earl Bamber (NZ) – Richard Westbrook (GB) – Alex’ Lynn (GB)) : 341 tours.
Catégorie LM P2
1/ Inter Europol Competition (Fabio Scherer (CH) – Jakub Smiechowski (POL) – Albert Costa (SP)) : 328 tours.
2/ Team WRT (Rui Andrade (AGO) – Robert Kubica (POL) – Louis Delétraz (CH)) : 328 tours.
3/ Duqueine Team (Nicolas Pino (GB) – René Binder (AUT) – Neel Jani (CH)) : 327 tours.
LM P2 Pro/Am
1/ Algarve Pro Racing (James Allen (AUS) – George Kurtz (USA) – Colin Braun (USA)) : 322 tours.
2/ Cool Racing (Nicolas Lapierre (F) – Alexandre Coigny (CH) – Malthe Jakobsen (DNK)) : 317 tours.
3/ DKR Engineering (Tom Van Rompuy (B) – Ugo de Wilde (B) – Maxime Martin (B)) : 311 tours.
LM GTE Am
1/ Corvette Racing (Nicky Catsburg (NL) – Ben’ Keating (USA- Nicolas Varrone (ARG)) : 313 tours.
2/ ORT by TF (OMN) (Ahmad Al Harthy (OMN) – Michael Dinan (USA) – Charlie Eastwood (IRL)) : 312 tours.
3/ GR Racing (Michael Wainwright (GB) – Benjamin Barker (GB) – Riccardo Pera (I)) : 312 tours.