Coronavirus : Les agences de voyages sont dans une « logique de non remboursement »

Vous êtes passés par une agence de voyages pour aller jouer au golf, plonger, pédaler ou courir un marathon et elle se trouve dans l’impossibilité de vous faire partir en raison du coronavirus. Elle est normalement obligée de vous rembourser mais les agences de voyages cherchent à obtenir une dérogation en pouvant contraindre le client à accepter un report.

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Jamais l’industrie du tourisme n’avait vécu une telle crise. Même les attentats du 11 Septembre ne l’avaient pas soumis à telle épreuve. Impuissantes, les agences de voyages doivent annuler les voyages de leurs clients et les rembourser comme le stipule le Code du Tourisme qui réglemente les voyages à forfait – au moins deux prestations liées dans un package comme un vol et un hôtel.

Selon l’article L.211-14, «Le voyageur a le droit de résoudre le contrat avant le début du voyage ou du séjour sans payer de frais de résolution si des circonstances exceptionnelles et inévitables, survenant au lieu de destination ou à proximité immédiate de celui-ci, ont des conséquences importantes sur l’exécution du contrat ou sur le transport des passagers vers le lieu de destination. Dans ce cas, le voyageur a droit au remboursement intégral des paiements effectués mais pas à un dédommagement supplémentaire. »

Savez le tourisme, les professionnels demandent à leurs clients de reporter leur voyage
Les professionnels demandent à leurs clients d’être solidaires

A la lecture de ce texte de loi, il semble évident que dans ce contexte de crise sanitaire le client est en droit de demander à son agence de voyages le remboursement intégral des acomptes versés. Comme il s’agit de « circonstances exceptionnelles et inévitables », il n’est évidemment pas en droit de demander des dommages et intérêts comme ça peut être le cas si le voyage est annulé du fait d’un manquement de l’organisateur.

« Ce remboursement n’est techniquement pas possible parce que les agents de voyages ont réglé les billets d’avion et les prestations hôtelières … la chaîne de solidarité doit aller jusqu’au client »

Jean-Pierre Mas, président des Entreprises du Voyage

L’agent de voyages distributeur ou le tour-opérateur, empêchés par la fatalité, pevent aussi proposer à son client de reporter son voyage qui est alors tout à fait en droit de refuser. C’est bien cela que les agents de voyages voudraient voir changer en obtenant du gouvernement une dérogation qui obligerait les clients à accepter un avoir. Comme l’a expliqué sur France Inter, samedi 14 mars, Jean-Pierre Mas, président des Entreprises du Voyage, un syndicat professionnel représentatif des agences de voyages et tour-opérateurs, les entreprises n’ont tout simplement pas les moyens de faire face à un tel afflux de demandes. Les acomptes versés par les clients sont partis dans la caisse des réceptifs ou hôteliers pour assurer les voyages à venir. Les professionnels du tourisme mettent en avant l’exemple de l’Italie qui vient d’accorder cette faveur aux agences de voyages.

Dans son blog, Yves Renoville, avocat spécialisé dans le droit du tourisme, estime même que les agences sont protégées dans la mesure où l’on n’est pas dans le cadre de « circonstances exceptionnelles » mais dans celui de la force majeure.

Un empêchement temporaire ?

Et que dit alors la loi :  «Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur.

Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1. ». Selon l’interprétation de l’avocat des annulations liées à la crise sanitaire, « l’empêchement est temporaire », on ne rembourse donc pas le client.

Dès lors, le voyageur se trouverait obligé d’accepter un report. Reste, cette question : S’il s’est envolé pour participer à un évènement qui est annulé et qui ne sera pas reporté, on peut en citer de nombreux, comme par exemple la dernière étape de la course cycliste Paris-Nice ou le Grand Prix du Vietnam, on ne voit guère comment lui opposer un « empêchement temporaire » pour se soustraire à l’obligation de le rembourser qu’impose la force majeure si l’empêchement est définitif.

Une autre avocate spécialisée dans le droit du tourisme vient aussi au secours des agences de voyages. Elle pense avoir trouvé une faille juridique comme elle l’a expliqué dans le site spécialisé Tourmag : « Le droit au remboursement ne s’applique que lorsque la circonstance exceptionnelle et inévitable affecte exclusivement le pays de destination. Dans le cas présent, l’annulation des voyages concernés a été due dans un premier temps non à des problèmes dans les pays de destination, mais à une situation sanitaire en France considérée comme inquiétante par les autorités des pays où les voyageurs envisageaient de se rendre. Et dans un deuxième temps, par une interdiction, par les autorités françaises, de sortie du territoire national pour les mêmes motifs. Or l’article L 211-14-2 précité n’accorde au client aucun droit au remboursement lorsque la circonstance exceptionnelle et inévitable affecte le pays de résidence des touristes ». Donc, estimez-vous déjà heureux si l’organisateur vous propose un report, ça devrait plaire aux associations de consommateurs. Le médiateur du Tourisme risque d’avoir du travail.

Laurent Guena

Rédacteur en chef adjoint.
Contact: laurent.guena@sport-et-tourisme.fr

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