Eric Baetens, itinéraire d’un agent glissant

Grand voyageur né à Roubaix, Eric Baetens, la soixantaine approchante, demeure un pratiquant passionné de ski de fond. Devenu agent de voyages sur le tard, cet ancien ingénieur dans l’agro-alimentaire nous confie ses souvenirs, de ses premières courses début des années 80 à sa participation récente en Suède à la célèbre Vasaloppet, la plus populaire course de ski de fond au monde.

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Membre d’ATR, Eric Baetens place l’environnement au cœur de ses préoccupations.

Rien ne prédestinait le jeune Eric à s’épanouir dans un décor de montagne. Encore moins à parcourir les pistes de ski de fond. Mais comme souvent le destin s’en est mêlé. Né à Roubaix, avec un papa travaillant à La Redoute, il se voit offrir un séjour à la neige par le CE de l’entreprise de vente à distance. « J’avais 13 ans et cela se passait à Autrans, en Isère » se rappelle Eric Baetens. Mais le séjour orienté sur le ski alpin se transforme en une initiation au ski de fond, car « déjà, à l’époque, il n’y avait pas suffisamment de neige ». Un mal pour un bien, « j’ai découvert cette activité à ce moment-là, cela m’a plus tout de suite, et cette passion ne m’a plus jamais quitté » raconte Eric Baetens.

De Roubaix à Evian

La question qui domine est comment continuer à faire du ski de fond lorsqu’on habite dans le Nord de la France. Plutôt habitué à regarder passer devant sa porte les coureurs cyclistes de Paris-Roubaix, Eric insiste auprès des ses parents. « Je les ai poussés à partir en vacances à Bessans en Haute Maurienne, et j’ai participé à des camps d’adolescents dans le Jura » explique notre f(r)ondeur. En 1981 des études d’ingénieur le conduise à Nancy et le rapproche des Vosges. Il achète alors ses premiers skis, étudie technique et fartage. Et s’inscrit aussi à ses premières courses, des courses populaires longue distance comme la Foulée Blanche ou la Trace Vosgienne où il fait partie des anonymes. « Je n’avais pas la prétention d’être un champion mais j’étais passionné ».

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Sur les spatules lors du Marathon des Glières en 2014 ou à l’arrivée près de 25 ans plus tôt lors du Grand prix du pays Rochois, le goût de l’effort et la passion demeure intacte.

Poursuivant ses études à Paris, un doctorat à l’Ecole des Mines, il s’inscrit au Club Inter-Sports et de Haute Montagne (CIHM) basé dans le 5ème arrondissement. « Il y avait une section ski de fond. Les week-end d’hiver, « bourrés de pâtes pour éviter l’hypoglycémie », nous partions faire des courses dans le Jura. Nous prenions le bus de nuit le vendredi soir, la compétition se déroulait le dimanche et nous rentrions à Paris à 5 heures du matin le lundi » résume Eric Baetens qui se souvient une année avoir cassé un bâton au bout de 5 km lors de la Traversée du Vercors, « pas de stand technique, j’ai fait les 45 derniers avec un seul bâton » raconte-t-il.

Skier entre midi et deux

En 1988, il débute sa carrière d’ingénieur à Evian en travaillant pour le compte du groupe Danone. Il y restera 25 ans. Un emploi qui lui permet de skier entre midi et deux. Mais pour participer à des compétitions, il en faut un peu plus. Alors il sort la frontale pour aller s’entrainer le soir après le travail vers la Chapelle d’Abondance. « Parfois il m’arrivait de croiser un renard. Skier au clair de lune est un moment magique » souligne Eric Baetens. Il narre aussi cette anecdote, « un soir, un conducteur d’engins s’agaçait que je skie sur sa piste fraichement damée. Du coup il m’a déposé un énorme tas de neige devant ma voiture. J’ai dû négocier pour que je puisse repartir et ne pas passer la nuit dans mon véhicule ».

En 1992, lors des Jeux Olympiques d’Albertville, notre Nordiste se souvient avoir assisté aux épreuves de ski de fond et de combiné nordique aux Saisies et à Courchevel. « C’est quelque chose qu’il faut avoir vu au-moins une fois dans sa vie » dit-il. Et de saluer la performance de Fabrice Guy, porte-drapeau et vainqueur du combiné nordique. Bonne pioche. C’est l’une des trois médailles d’or française lors de cette olympiade.

Avec mes chaussures et mes skis dans le métro de Tokyo

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La pose s’impose avant le Marathon de Sapporo en 2006.

Durant de nombreuses années, Eric écume les principales courses de Haute-Savoie, du Jura et d’ailleurs. Il compte à son actif une quinzaine de Transjurassienne, le rendez-vous incontournable du ski nordique français. À l’étranger, il s’est aligné sur la Marcialonga, une course renommée de 70 km qui se déroule dans la Province de Trente en Italie. Et puis en 2006 il y a ce périple au Japon pour y disputer le marathon de Sapporo, une épreuve internationale du circuit de la Wordloppet. « Je me vois encore dans le métro de Tokyo avec mes chaussures et mes skis, c’était assez drôle ». Le résultat sportif est à la hauteur puisqu’il termine premier français, « mais j’étais le seul » s’empresse-t-il aussitôt de préciser dans un sourire.

La Vasaloppet, le graal de tout fondeur

Prenant plaisir à voyager, Eric Baetens décide d’en faire son (nouveau) métier. Il quitte son poste d’ingénieur dans l’agro-alimentaire pour fonder en 2015 son agence de voyages « Eric and The Trip ». En étant toujours basé à Evian. Il profite de cette période de transition pour se lancer un nouveau défi : quarante ans après ses premières traces à Autrans, courir la célèbre Vasaloppet en Suède. Il s’agit là de la plus ancienne et plus populaire course de ski de fond au monde qui se court obligatoirement en style classique. Une épreuve mythique qui fête son centenaire cette année, le graal de tout fondeur.

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Arrivée dans la rue principale de Mora à l’occasion de la Vasaloppet 2015.

« Il a fallu que je me rachète des skis, que je fasse une préparation spécifique et que je me (re)mette au style classique que je n’avais plus pratiqué depuis 20 ans » explique-t-il (la marche glissée ou pas alternatif, technique d’origine, a été supplantée au milieu des années 80 par le skating ou style libre utilisant le pas du patineur). L’exercice est difficile mais le jeu en vaut la chandelle car participer à la Vasoloppet est « un rêve, comme le coureur à pied qui veut disputer le marathon de New York » avoue Eric. Parti à 8h00 du matin, il termine vers 18h00 à la nuit tombée après avoir parcouru les 90 km qui relient Sälen à Mora. Une énorme satisfaction. « D’autant plus que je m’étais fait une déchirure musculaire un mois avant » ajoute le natif de Roubaix.

Un agent de voyages sensibilisé aux problème environnementaux

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Devant le glacier d’Aletsch dans le canton du Valais en Suisse.

Agent de voyages à domicile, dûment immatriculé, Eric Baetens ne propose que du sur-mesure. S’il ne commercialise pas de séjours à caractère sportif, il se fait fort de concevoir des séjours répondant aux attentes de ses clients. « Avant le Covid, j’organisais une cinquantaine de voyages par an pour environ 200 clients, cela me suffit pour vivre. Pas besoin d’avoir une agence avec pignon sur rue pour cela » déclare-t-il. Il se félicite notamment d’avoir organisé les vacances du cycliste professionnel Pierre-Luc Périchon, membre de l’équipe Cofidis. « Lui et son épouse partaient pour un séjour en Jordanie, dans l’éventualité d’un contrôle anti-dopage, je devais donner la localisation très précise de chacun de leurs hébergements, y compris dans le désert du Wadi Rum » ajoute le responsable.

Convaincu que son rôle va au-delà de la simple organisation et vente de voyages, Eric Baetens, membre d’ATR et de l’association Respire, s’est en effet engagé sur la voie d’un tourisme plus responsable. « Quand tu es skieur, tu es sensible au réchauffement climatique. Certaines courses que je faisais dans les années 80 et 90 n’existent plus aujourd’hui faute de neige ». C’est pourquoi il est important à ses yeux de « sensibiliser voyageurs et partenaires aux enjeux environnementaux et sociaux ».

Pourquoi pas la Kangaroo Hoppet en Australie

À presque 60 ans, Eric ne dispute plus de courses mais continue toujours de skier, pour le plaisir. « Cet hiver j’ai peut-être fait 25 sorties d’une à deux heures. Ce n’est pas tout à fait du slow ski mais je profite » déclare-t-il. Les valeurs portées par le ski de fond qui l’avaient accroché à son adolescence, il continue d’y adhérer. « Le goût de l’effort, le contact direct avec la nature, le geste maitrisé, le plaisir de la glisse, je n’ai retrouvé cela dans aucun autre sport » explique le patron d’agence qui cite volontiers aussi « le respect, l’humilité et la simplicité » à l’image de champions comme Martin Fourcade ou Marie Dorin-Habert rencontrés fortuitement dans le TGV.

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À cette époque, dans les années 90, on est déjà en mode skating.

Alors, après avoir vadrouillé dans le monde entier, lui reste-t-il encore des rêves, des choses à réaliser ! Jamais rassasié, Eric Baetens n’exclut pas un jour de refaire « une course au loin ». Peut-être aux Etats-Unis, dans le Minnesota où l’équivalent d’une Vasoloppet y est organisée. Il y a aussi cette improbable Kangaroo Hoppet, une épreuve de ski de fond longue distance qui se tient en août à Falls Creek dans l’état de Victoria en Australie. « Le problème c’est qu’il faut s’entrainer l’été, je ne sais pas comment je vais faire » sourit Eric Baetens qui songe plus raisonnablement à « skier en Laponie ». Quand vous avez une passion, elle ne vous quitte jamais. 

David Savary

Rédacteur en chef
Contact: david.savary@sport-et-tourisme.fr

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