La montagne vue par cinq experts internationaux

Alors que les JO de Pékin battent leur plein et que la polémique liée à leur organisation n’est pas retombée, le Cluster Montagne dans son dernier « cahier de tendances » donne la parole à cinq experts internationaux sur leur vision d’une montagne plus accessible, durable et performante.

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Si les Jeux Olympiques d’hiver de Pékin continuent d’alimenter la polémique, le Cluster Montagne, « l’expertise française de l’aménagement en montagne », prend un peu de hauteur et s’inscrit dans une démarche prospective. Challenges et défis à relever, modèles d’affaires, transition écologique, l’association a recueilli les avis de cinq experts internationaux en provenance de la Suisse, de l’Espagne, de la Géorgie, du Chili et du Japon. Morceaux choisis.

Reto Gurtner, directeur de Weisse Arena, groupe intégré de services dans l’industrie du tourisme et des loisirs, basé à Laax en Suisse

« Je suis persuadé que les jours d’après-crise seront différents. Le modèle de nos destinations va devoir réellement changer. Des éléments comme la distanciation sociale vont perdurer : le tourisme de masse, le sur-tourisme, c’est fini. Je suis convaincu que les gens souhaiteront toujours plus voyager mais ils ne souhaiteront plus être seulement des « touristes ».

Le « workation » (contraction de travail et vacances) peut être une clé et une des solutions face au problème du taux d’occupation de nos hébergements touristiques de 20% à l’année. Nous connaissons la même problématique de « lits froids » que dans les autres stations des Alpes. Pourquoi ne pas mieux exploiter toutes ces habitations existantes, à travers notamment le concept de « workation » ?

Les stations doivent aujourd’hui être ouvertes plus de 300 jours par an et leur offre dépasser le modèle des remontées mécaniques. Les clients doivent se sentir « comme à la maison » et doivent pouvoir accéder à une offre de tous les jours. Pour cela, nous devons travailler sur l’offre de loisirs, de commerces et de services de mobilité disponibles ».

Maria José Rienda Contreras, présidente du Conseil Supérieur des Sports en Espagne, représentante de la station de Sierra Nevada, et ancienne championne de ski alpin, six fois victorieuse en Coupe du monde de géant

« La station de Sierra Nevada fait partie d’un parc national (…). Je pense que nous ne pouvons plus nous développer en tant que station de ski. En revanche, nous savons qu’il existe des possibilités en tant que destination de montagne.

Oui nous envisageons une stratégie de diversification avec une approche « destination montagne ». (…). Etant donné que nous sommes dans le Sud de l’Espagne, la neige dans la Sierra Nevada est « un miracle » qui génère une très forte attractivité. La neige reste donc prioritaire pour nous et sommes particulièrement concernés par la mise en œuvre de mesures visant à prévenir le réchauffement climatique et ses effets. Néanmoins, comme le village de Sierra Nevada se trouve à plus de 2 000 m d’altitude, la fraicheur que nous y trouvons en été sera un levier d’attractivité complémentaire, d’autant plus que nous subissons des vagues de chaleur de plus en plus fréquentes ».

Irakli Tchirakadze, directeur de Mountain Resorts Development Compagny (MRDC) en Géorgie

« Nos challenges à très court terme sont l’accueil et l’organisation des Championnats du monde de freestyle en 2023. Pour mener à bien ces projets, nous devons développer un certain nombre de nouvelles infrastructures.

Ces challenges répondent à un enjeu stratégique pour développer notre positionnement à l’international. Nous disposons d’atouts, tels que des attraits et marqueurs culturels et le fait d’être très bon marché par rapport aux stations des Alpes.

L’organisation d’évènements internationaux constitue un des leviers du développement et la clientèle européenne est de plus en plus présente. Cela nécessite néanmoins que nos stations répondent aux standards internationaux. Pour cela, la collaboration avec l’expertise française est précieuse, notamment avec la Compagnie des Alpes.

La fréquentation de nos sites connait une croissance importante (+ 20% par exemple à Gudauri, la plus importante station du pays). Il existe donc un enjeu de gestion de cette croissance.

Nous prêtons attention à la manière dont nous construisons, dont nous aménageons les pistes de ski et les nouvelles remontées mécaniques. Nous faisons en sorte de préserver les forêts, en adaptant la construction des remontées mécaniques.

Le sujet de la diversification fait également partie de notre stratégie. Nous souhaitons que nos sites puisent développer leurs activités sur les quatre saisons et non seulement deux.

Pour l’instant, la part de l’activité estivale reste faible : 10 à 15% de l’activité annuelle. Mais nous mettons en œuvre des projets pour accueillir des clients toute l’année.

Sur l’un de nos sites, nous avons un projet de lac artificiel destiné à la production de neige de culture. Nous planifions de l’utiliser pour l’activité estivale en l’aménageant pour des activités aquatiques telles que le ski nautique. À Bakuriani, la première luge d’été a été installée il y a quatre ans.

James Ackerson, directeur général de la station de Corralco au Chili

« Le changement climatique arrive en tête des défis à relever selon moi. Au Chili, quatre stations de ski majeures sont localisées autour de Santiago et trois d’entre elles ont souffert du manque d’enneigement ces quatre dernières années.
Je pense qu’à l’avenir, nous devrons sans doute instaurer un contrôle des flux de clients pour privilégier la qualité par rapport à la quantité.

Dans la région de Santiago, la diversification estivale est un sujet crucial, car les stations souffrent du manque de neige. Néanmoins elles ont la chance de disposer d’un environnement naturel exceptionnel et de le valoriser avec le développement local et les partenaires locaux ».

Kenta Takamori, propriétaire de la station d’Hakuba 47 dans la préfecture de Nagano

Sur la question de la transition écologique, « les stations au Japon sont peu informées par rapport à ce sujet car les clients y sont peu sensibles.

Dans ce registre, et par rapport aux stations françaises, les stations japonaises sont peu aidées et soutenues, on ressent un manque de reconnaissance de la filière de la part du gouvernement.

La saison d’été est très réduite au Japon, du fait des vacances japonaises courtes. Ce manque de congés est d’ailleurs le plus grand enjeu des opérateurs touristiques, les Japonais ne prenant pas assez de vacances.

Pour l’instant, les stations n’ont pas encore trouvé de recette magique pour développer l’activité. Le produit VTT est sans doute le plus intéressant, mais nous avons un relief très raide et abrupt, ce qui ne facilite pas la pratique ».

David Savary

Rédacteur en chef
Contact: david.savary@sport-et-tourisme.fr

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